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Examen scientifique du projet de lignes directrices de l'OMS sur les apports en sucre
Le 5 mars 2014, le groupe consultatif d'experts sur la nutrition (NUGAG) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié son projet de lignes directrices sur la consommation de sucre. Ce projet a été élaboré afin de mettre à jour les lignes directrices de l'OMS remontant à 2003 et selon lesquelles les « sucres libres » ne devaient pas dépasser 10 % de la consommation d'énergie totale par jour. Le service d'information sur la nutrition de l'Institut canadien du sucre a consulté avec soin le document du projet de lignes directrices, ainsi que les deux examens systématiques demandés par l'OMS et le matériel supplémentaire publié séparément. Voici un résumé scientifique du projet de lignes directrices.
Le projet de lignes directrices de l'OMS recommande de diminuer la consommation des sucres libres pendant toute la vie et inclut deux objectifs spécifiques pour ce qui est des caries dentaires. Ceci comprend la recommandation précédente de 10 % comme « bonne » recommandation, en se basant sur les preuves considérées commes « moyennes » en relation aux caries (pas l'obesité). La recommandation de l'OMS de faire une réduction supplémentaire de 5 % de l'énergie totale est classée comme « conditionnelle », et est basée sur les preuves en relation aux caries et considérée de « très faible qualité ».
Le projet de lignes directrices est basé sur deux examens systématiques demandés par l'OMS pour évaluer les effets d'une augmentation ou d'une diminution de la consommation de « sucres libres » sur le gain de poids (Te Morenga et coll., 20131) et les caries dentaires (Moynihan et coll., 20132). Ces examens jouent un rôle important dans la documentation scientifique; cependant, le projet de lignes directrices ne reflète pas la faiblesse des preuves dans les deux examens et les conclusions contradictoires d’autres organismes scientifiques3,4 à partir de l’examen de toutes les preuves scientifiques disponibles. Les lignes directrices parlent de « sucres libres », alors que les deux examens demandés par l’OMS ont examiné les études qui portaient sur les « sucres totaux », les « sucres libres » ainsi que les aliments et boissons contenant du sucre. L’analyse des résultats n’a pas permis de faire ressortir les effets spécifiques des « sucres libres » dans ces études, qui lient l’interprétation et la mise en application des résultats de l’étude à des conseils spécifiques portant sur les « sucres libres ».
- Poids corporel : Te Morenga et coll.1 ont passé en revue des essais cliniques randomisés et des études par cohortes sur les sucres et le poids. Parmi les essais chez les adultes sans contrôle strict de la consommation des aliments, on a observé seulement un petit changement (en moyenne 0,8 kg) de poids lorsque le sucre augmentait ou diminuait dans l’alimentation. Les preuves étaient moins évidentes chez les enfants que chez les adultes. Les changements au niveau du poids s’expliquent par des changements d’apport calorique (p. ex., il n’y a pas d’effet unique des sucres comparé à d’autres glucides sur le poids). L’examen n’a donné aucune preuve pour soutenir une limite quantitative des « sucres libres ».
- Caries dentaires : L’examen de Moynihan et coll.2 sur la santé dentaire a conclu qu’il y a une preuve de « qualité moyenne » dans les études par cohortes (mais pas dans les essais cliniques randomisés) pour soutenir la limitation de la consommation de « sucres libres » à moins de 10 % de l’énergie. La recommandation conditionnelle de 5 % était basée sur trois études écologiques « de très faible qualité », établissant un lien entre le changement de la disponibilité du sucre dans tout le Japon avec les caries chez les enfants de deux villes japonaises avant et quelque années après la Deuxième Guerre mondiale. Cette recherche remonte avant l’utilisation régulière du dentifrice au fluorure et ne tenait pas compte des autres causes connues des caries comme la fréquence de consommation des sucres et les autres glucides fermentescibles (p. ex., amidon dans l’alimentation)3,4. Ces études isolées ne reflètent pas la situation actuelle, surtout dans des pays développés comme le Canada, et ne tiennent pas compte de l’utilisation internationalement reconnue du fluorure comme méthode de prévention principale. L’utilisation efficace du fluorure continue d’être l’approche en santé publique la plus efficace pour prévenir les caries au 21e siècle5.
Résumé des preuves scientifiques de l'OMS pour les recommandations du projet de lignes directives de l'OMS visant à déterminer les quantités | ||||
Recommandationdu projet de lignes directives de l'OMS | Force de la recommandation | Force des preuves | Type de preuves scientifiques | Référence OMS |
---|---|---|---|---|
« Chez les adultes et les enfants, l'OMS recommande que la consommation de sucres libres ne dépasse pas 10 % de l'énergie totale. » | Bonne recommandation1 |
moyenne caries, pas l'obésité |
Cinq études d'observation chez les enfants; données insuffisantes pour faire des tableaux. | Annexe 1, Tableau 5 |
« L'OMS suggère une diminution supplémentaire à moins de 5 % de l'énergie totale. » | Recommandation conditionnelle2 |
très faible caries, pas l'obésité |
Trois études écologiques chez les enfants japonais; corrélation des caries avec la disponibilité du sucre avant et quelques années après la Deuxième Guerre mondiale. La méta-analyse n'est pas possible en raison de la variabilité des mesures de résultats. | Annexe 1, Tableau 6 |
1 Avec une bonne recommandation, les lignes directrices communiquent le message que les effets positifs du respect de la recommandation dépassent les effets non désirables. Ceci veut dire que, dans la plupart des cas, la recommandation peut être adoptée comme politique.
2 La recommandation conditionnelle veut dire qu'il y a une moins bonne certitude entourant les quatre facteurs (p. ex., qualité des preuves, avantages par rapport aux inconvénients et fardeux, valeurs est préférences, et utilisation des ressources); ou si l'adaptation locale doit tenir compte d'un plus grand nombre de valeurs et préférences; ou lorsque l'utilisation des ressources rend l'intervention faisable dans certains endroits, mais pas d'autres. Ceci signifie qu'il faut avoir plus de discussions et faire participer les intervenants avant que la recommandation puisse devenir une politique.
- Le projet de lignes directrices de l’OMS indique « qu’on ne remarque aucun effet négatif en diminuant la consommation des sucres libres à moins de 5 % de l’énergie totale, surtout lorsqu’on tient compte du risque de caries dentaires pendant toute la vie. » Cette opinion n’est pas renforcée ni soutenue par les preuves des deux autres examens systématiques, et ne correspond pas aux conclusions des autres autorités, y compris celles de l’Institute of Medicine (IOM)3 et de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)4. Le rapport des apports nutritionnels de référence (ANREF) de l’IOM montre que quand la consommation de sucres ajoutés est très élevée (>25 % de l’énergie) ou très faible (<5 % de l’énergie), la consommation de micronutriments peut être insuffisante dans certaines populations. Un examen systématique plus récent a trouvé que la consommation de micronutriments est optimale en ayant une consommation modérée de sucre dans l’alimentation. La consommation d’énergie est le facteur principal de la suffisance en micronutriments, et la consommation optimale des sucres est difficile à quantifier parce que le lien varie entre les nutriments et dépend des choix d’aliments et de leur composition6.
Les apports nutritionnels de référence sont le fondement des recommandations alimentaires au Canada et aux États-Unis et n’ont pas trouvé assez de preuves pour établir une limite supérieure pour les sucres ajoutés pour ce qui est des caries, du comportement, du cancer, de l’obésité et de l’hyperlipidémie. Une consommation maximale de 25 % ou moins de l’énergie venant des sucres ajoutés est suggérée en raison de la consommation inférieure de certains micronutriments dans les sous-populations américaines qui dépassent ce niveau3.
La consommation de sucres ajoutés au Canada est en baisse et représente environ 11 % de la consommation d’énergie totale7.
Annonce du projet de lignes directrices de l’OMS : WHO opens public consultation on draft sugars guideline
Service d’information sur la nutrition de l’Institut canadien du sucre : Submission to WHO, Flora Wang, PhD
Références:
1. Te Morenga L, Mallard S, Mann J. Dietary sugars and body weight: Systematic review and meta-analyses of randomised controlled trials and cohort studies. British Medical Journal. 2013;346:e7492.
2. Moynihan PJ, Kelly SAM. Effect on caries of restricting sugars intake: Systematic review to inform WHO guidelines. Journal of Dental Research. 2013;93:8-18.
3. Food and Nutrition Board, Institute of Medicine, National Academy of Sciences. Dietary reference intakes for energy, carbohydrates, fiber, fat, protein and amino acids. National Academic Press. Washington. 2005.
4. European Food Safety Authority. Scientific opinion on dietary reference values for carbohydrates and dietary fibre. EFSA Panel on Dietetic Products, Nutrition and Allergies. EFSA Journal. 2010; 8(3):1462.
5. Jones S, Burt BA, Petersen PE, Lennon MA. The effective use of fluorides in public health. Bulletin of the World Health Organization. 2005. 83;670-676.
6. Gibson SA. Dietary sugars intake and micronutrient adequacy: A systematic review of the evidence. Nutrition Research Reviews. 2007; 20:121-131.
7. Canadian Sugar Institute. Further analysis of Statistics Canada Health Report: Sugar consumption among Canadians of all ages. 2011.